Il y a dix ans, Cécile a été droguée et violée par un homme rencontré lors d’une soirée. Celui-ci lui a dit être kiné et lui a proposé un massage pour la remettre en forme. Cécile confie à Olivier Delacroix que le traumatisme causé par cette agression l’a empêchée de poursuivre son métier de comédienne.
Alors qu’elle était une comédienne débutante arrivée à Paris, Cécile a fait la connaissance d’un prétendu kiné lors d’une soirée. En réalité, ce dernier proposait des massages à des jeunes femmes et les violait après les avoir droguées. Cécile a été l’une de ses victimes.
Ayant été droguée, elle raconte qu’elle n’avait pas de souvenirs clairs de son agression jusqu’à ce que la police l’appelle après avoir arrêté son agresseur qui avait fait d’autres victimes. Dix ans après les faits, Cécile raconte à Olivier Delacroix son agression et son traumatisme.
Cécile évoque le système de manipulation mis en place par son agresseur : «On est des personnes normales. Quand on rencontre quelqu’un qui est dans un système pervers, on ne peut pas imaginer quelle stratégie il va appliquer pour nous faire sombrer dans son système. Les faits se sont passés chez moi. Il y a tout un système manipulatoire auparavant.
Je l’ai rencontré par l’intermédiaire de quelqu’un avec qui j’avais travaillé et qui était devenue une amie. Elle m’avait présentée à lui. Quand on rencontre quelqu’un qui prétend être proche de son amie, on est en confiance.
Il est venu chez moi. Je crois que je lui ai fait un thé ou une tisane. J’ai le souvenir qu’il pilait des espèces de médicaments. Il avait un discours de manipulation. Il m’a dit : ‘Il faut que je te donne juste un truc. C’est de la phytothérapie.
Ce sont des plantes. Je vais te faire sortir les os, tu vas avoir très mal, mais après, tu seras guérie’. Je ne savais pas pourquoi il pilait ça. Pour moi, ce n’étaient pas des médicaments, mais de la phytothérapie. Ça s’est passé comme ça. C’était le début de l’enfer pour moi.
J’ai le souvenir de prendre une douche qui a duré très longtemps. Au fur et à mesure, je commençais à être dans un état étrange. Après, je me suis allongée sur le lit pour le massage. Je ne me souviens de rien. Mon corps était fait de plomb. Tout était lourd et lent. J’étais extrêmement fatiguée.
Je vivais le moment présent, mais je ne me souviens pas de ce qu’il s’est passé. Si on ne se souvient pas, on n’a pas de doute. C’est ça qui est terrible. J’ai le souvenir d’actes de pénétration de sa part, mais je ne sais pas exactement. Mon inconscient et mon corps savent tout ce qu’il s’est passé, mais pas moi.»
«On ne peut pas être plus un objet que ça»
Cécile n’avait pas de souvenirs clairs de l’agression, mais quelques mois plus tard, elle a reçu un appel de la police qui venait d’arrêter son agresseur et cherchait à identifier ses victimes : «La police me dit qu’il y a d’autres victimes et qu’il a filmé. Il filmait à travers la serrure des jeunes femmes qui se douchaient et il filmait les viols. La police me demande de venir pour voir si je me reconnais sur les photos retrouvées. Il y a 40 jeunes femmes sur ces photos. À deux reprises, je crois me reconnaître. À cause de boucles d’oreilles, je pense que je ne me reconnais pas.
C’est lui qui a dit qu’il m’avait violée. Il disait qu’il fallait qu’il me redresse les os, en l’occurrence le coccyx. Il a avoué qu’il avait redressé mon coccyx. Il n’y a pas mille manières de le faire. Il a donc avoué tout seul son acte de viol. On ne peut pas être plus un objet que ça. La difficulté de tout ça, c’est qu’on ne sait pas ce qu’il s’est passé. On n’a même pas eu la possibilité de se défendre. Une fois que la drogue a été administrée, c’est terminé. C’est le départ pour l’enfer. Il fait ce qu’il veut.»
«La comédienne va devenir un fantôme»
À cause de son agression, Cécile a sombré dans la dépression. Elle raconte qu’elle a dû arrêter le théâtre alors qu’elle avait obtenu un rôle dans une pièce : «L’agression est là. Elle est présente parce qu’elle a pris un nom. C’est le traumatisme qui ressort. Il y a le regard des autres. Comment jouer sur scène quand on est regardée ? Il y a la proximité des comédiens qui jouent des personnages séducteurs. C’est complètement incompatible.
C’était très frais. Il fallait déjà l’accepter. J’étais sous le choc. C’est compliqué à dire, surtout dans un milieu professionnel. Je me voyais très mal dire : ‘J’ai été violée il y a six mois et je ne m’en souviens pas’. On n’a pas envie de rentrer dans les détails. C’est sa vie privée. Ils se sont séparés de moi. Ce fut ma dernière expérience. C’était la dernière fois que j’étais dans un théâtre. La comédienne va devenir un fantôme. C’était terminé.»
Cécile se souvient du comportement de son agresseur lors de son procès : «Il regrette apparemment, mais il ne reconnaît rien. J’ai dit aux jurés qu’on venait ici pour savoir ce qu’il s’était passé. S’il regrette, alors il nous dit ce qu’il s’est passé. Sinon, tout ce qu’il est en train de dire en pleurnichant pour faire croire qu’il regrette et amadouer les jurés, ça ne veut rien dire et ça ne sert à rien. C’est faux, c’est du mensonge.
Il voit ce qu’il se passe. Les victimes sont en souffrance. Il y a des victimes qui font de la spasmophilie, qui sont en crise, qui défaillent. Parce que ce qu’on entend, ça dépasse l’entendement. Il y a des photos sur lesquelles on voit des sexes, on le voit lui, on voit des objets, des foulards, des masques et ça passe devant les jurés. Ils regardent les photos. Puis, il nie. On dit que les jeunes femmes étaient dans le coma, entre la vie et la mort. On a abordé la nécrophilie. Ce sont des mots qui ont été dits dans le procès. Je ne les invente pas.»
«On porte plainte, pour soi, pour être reconnue, mais aussi pour les autres»
Le verdict : 18 ans de réclusion criminelle avec deux tiers incompressibles. Ça soulage. 18 ans, c’est énorme, mais c’est justifié. C’est une reconnaissance de la justice. On porte plainte, pour soi, pour être reconnue, mais aussi pour les autres. En parlant, on va peut-être empêcher le pire pour d’autres. Si on empêche, ne serait-ce qu’une seule fois, le pire pour une personne, c’est déjà un combat gagné.
J’étais dans cette idée et dans le combat de ma survie. La reconstruction se fait petit à petit. Ce n’est pas parce qu’il y a un procès qu’on est reconstruit. Ce sont plein de choses qui s’accumulent. Le travail avec un psy fait qu’on se reconstruit. Le procès est important parce que ça dit : «Vous êtes une victime qui a subi un acte criminel qui ne devrait pas exister sur la Terre»